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Un été dans le Maine-et-Loire : l'ancien couvent de la Baumette

  • Photo du rédacteur: Youna RIVALLAIN
    Youna RIVALLAIN
  • 4 sept. 2020
  • 6 min de lecture

Pour les vacances, mettons le cap sur les départements méconnus, à la découverte de richesses patrimoniales parfois oubliées. Cette semaine, voici l'ancien couvent de la Baumette, édifice exceptionnel construit au XVe siècle sur les bords de Maine, à Angers. Une étape dans ce département rural.

C'est un majestueux roc de schiste ardoisier qui domine la Maine. Des terrasses de ce rocher sculpté par les hommes, on aperçoit le château des ducs d'Anjou au loin, dans la cité. Depuis six siècles, l'ancien couvent de la Baumette se dresse, fière sentinelle, aux portes d'Angers. Joyau patrimonial, exploit architectural, carrefour de l'Histoire, l'endroit appelle à la méditation et à la communion avec la nature. Classé au patrimoine mondial de l'Unesco, ce site enchanteur est cependant méconnu, même des Angevins ! 

Depuis la gare, il n'est qu'à trois petits kilomètres... et pourtant, on croirait être arrivé au bout du monde. Le temps s'y est arrêté, comme suspendu au cours de la rivière qui coule, paisible. Si on lève les yeux, on aperçoit un cygne poursuivant sa route, ses ailes immaculées déployées. 

Les Angevins venaient de la ville s'y faire soigner. Il était tenu par des frères convers. - Bernard Bourgeois

« Le couvent naît en 1452, de l'imagination du roi René, comte de Provence et duc d'Anjou », explique Bernard Bourgeois, un des propriétaires de la Baumette, en nous accueillant aux portes de l'édifice. Habitant le château d'Angers, le roi René se rend par voie fluviale dans sa maison de campagne, en face de ce rocher imposant que l'on appelle alors le « roc de Chanzé ». Depuis sa résidence secondaire, il aperçoit une excavation creusée par les carriers. Pour lui qui partage sa vie entre Provence et Anjou, la petite grotte rappelle celle de la Sainte-Baume, où Marie Madeleine aurait passé les 30 dernières années de sa vie. Il décide d'y installer une chapelle dédiée à la sainte... et le rocher est rebaptisé « Baumette », petite Baume. Malgré l'accès difficile, les Angevins y viennent en pèlerinage pour admirer les reliques de Marie Madeleine et de la Sainte Croix, rapportées de Provence par le roi René.

Rabelais, étudiant dissipé Très vite, un couvent est construit, appuyé au roc de schiste, pour accueillir des frères franciscains cordeliers et un hospice. « Les Angevins venaient de la ville s'y faire soigner. Il était tenu par des frères convers », raconte Bernard Bourgeois depuis la terrasse du jardin des simples, où étaient cultivées des herbes médicinales. Le couvent, lieu de soin et de pèlerinage, est aussi un centre de formation en théologie et évangélisation. « Rabelais aurait fait une partie de ses études ici », note Jean-Marie Stern, un autre propriétaire, en regardant depuis le magnifique cloître les restes à ciel ouvert de la salle d'étude et de la bibliothèque... Avant de préciser qu'il connaissait mieux les escaliers de la cave à vin ! Le couvent aura tout de même inspiré l'écrivain, puisque ce dernier fait s'adosser son Gargantua au rocher de la Baumette, pour affronter le géant Maury qui terrorisait les bateliers angevins ! « À l'époque, tout circulait par voie fluviale, rappelle Bernard Bourgeois. Ici, c'était un vrai boulevard ! D'autant que sa situation de promontoire en faisait un relais d'observation privilégiée pour prévenir le château d'Angers d'éventuelles invasions. »  Au fil de l'Histoire, les habitants du couvent se succèdent : les Cordeliers y demeurent 150 ans, avant de quitter les lieux. Car les conditions de vie y sont plus que spartiates : humidité, manque d'étanchéité (au point que le couvent est plusieurs fois inondé), froid... « Sans compter le rythme intenable des offices religieux, qui commençaient dès 1 heure du matin ! » ajoute Bernard Bourgeois. Les Récollets, plus rigoristes, succèdent aux Cordeliers. Malgré la rudesse des conditions de vie, ils investissent les lieux, et suivent la règle de prière et pauvreté de saint François d'Assise. Ils y demeurent jusqu'à la Révolution. 

De nombreuses personnalités visitent le couvent : Henri IV y entend les vêpres en 1598, alors qu'il est en chemin pour signer l'édit de Nantes ; Louis XIII assiste à une messe en 1614, en pleine Contre-Réforme, alors qu'Angers a réservé un accueil favorable à la Réforme protestante. C'est dans ce contexte religieux qu'un certain maréchal de Brissac fait don au couvent d'un imposant autel baroque. Peu à peu, la Baumette est réaménagée pour devenir un lieu de repos et d'accueil des visiteurs. En 1790, les derniers frères sont chassés, et le couvent est mis en vente.

Voué à la science Bientôt, la géographie du lieu est mise à profit par la science et la recherche. En 1830, Jules Cheux se porte acquéreur pour son fils Albert, passionné de météorologie et arrière-grand-oncle des actuels propriétaires. Il édifie une tour afin d'y installer une station météorologique moderne, premier lieu d'observation du climat en Anjou. « Albert habitait Angers et venait à pied pour faire sept observations par jour entre 1860 et 1914 ! », s'exclame Bernard Bourgeois, en montrant un relevé des observations de son aïeul. Cette tour est hélas détruite lors de la Seconde Guerre mondiale : « Les Américains sont arrivés de Bouchemaine pour combattre les Allemands, ajoute Bernard Bourgeois en montrant la Maine. La famille des propriétaires s'était cachée dans une grotte pour se protéger... mais n'avait pas compris qu'elle était pile dans le champ de tir des Américains ! » Aucun habitant n'est blessé, les Allemands se retirent. Dans la famille, on raconte aussi qu'en visitant les lieux en vue de les occuper, un officier allemand aurait glissé sur les escaliers en schiste de la cour, et l'aurait dévalé sur les fesses ! « Et ça serait pour ça que le couvent n'a jamais été occupé par les nazis ! » s'esclaffe l'actuel propriétaire.

Le charme des bords de Loire Ces dernières années, l'histoire du couvent de la Baumette a connu de nouveaux rebondissements : un projet de rocade encerclant Angers a été envisagé. Une autoroute serait passée à 200 m du couvent. C'est comme cela que Florence Denier-Pasquier, à l'époque juriste pour l'association Sauvegarde de l'Anjou et désormais vice-présidente de France Nature Environnement (FNE), découvre ce lieu enchanteur... et en tombe amoureuse. « C'est un endroit synthèse pour le Maine-et-Loire : un patrimoine culturel, spirituel, humain et naturel ! résume-t-elle. Nous sommes à la confluence de la Maine et de la Loire, au coeur des basses vallées angevines. » Paysages à couper le souffle, axe migratoire pour les oiseaux, faune et flore spécifiques à cette zone humide... « Il y a même des vestiges d'un amphithéâtre gallo-romain plus haut ! » Après 25 ans de bataille juridique, le projet de rocade a été abandonné en 2014. Six siècles d'histoire ont alors poussé un soupir de soulagement.  Florence Denier-Pasquier, originaire de Nantes, a succombé au charme de ces bords de Loire il y a une vingtaine d'années. « La force de ce département, c'est sa diversité : il est à cheval entre la fin du Massif armoricain et celle du Bassin parisien. De Cholet à Saumur, les paysages n'ont rien à voir les uns avec les autres. » L'Anjou, trop souvent route de passage vers les châteaux de la Loire ou le littoral, regorge de trésors discrets qui se laissent découvrir pour peu qu'on en prenne le temps : une vingtaine de châteaux en pierre de tuffeau ou troglodytiques, 900 km de bords de Loire cyclables, les célèbres tapisseries de l'Apocalypse jalousement conservées au château d'Angers... « Si je devais résumer le Maine-et-Loire en trois mots, confie la vice-présidente de FNE, je parlerais de la Loire, qui marque notre histoire et notre territoire ; de l'art des jardins, qui peuplent notre région ; et de la douceur angevine, que conte Joachim du Bellay. » Prolongez la visite

S'y rendre Une petite route, la promenade de la Baumette, vous conduira de la gare d'Angers au couvent, 1 chemin Bas-de-la-Baumette, en une petite heure de marche (3 km) ! Ouvert au public le troisième dimanche du mois, l'été et jusqu'au 18 octobre. Entrée : 5 € (gratuit - 12 ans). Les agences Sibylline Escapade et Échos proposent également des « apéritifs Echolline », dégustations de vins locaux au couvent tous les vendredis soir. 

À lire Cent journées au couvent de la Baumette, de Pierre Hommey, historien amoureux de ce joyau patrimonial. De l'Antiquité à nos jours, un récit passionnant. Vendu sur place. 

Un lieu spirituel où s'arrêter À une trentaine de kilomètres d'Angers, les soeurs bénédictines de Sainte-Bathilde proposent un accueil spirituel dans le cadre du monastère Notre-Dame-de-Compassion

Parcourir le département à vélo Quelque 900 km de pistes cyclables le long de la Loire permettent de découvrir les vallées angevines et leurs paysages exceptionnels, admirer le vol des cygnes sur les axes fluviaux et boire un verre aux guinguettes de Port-Thibault ou La Pointe ! 

Découvrir les tapisseries de l'Apocalypse Commandée par le duc Louis Ier d'Anjou vers 1375, elles constituent le plus important ensemble de tapisseries médiévales subsistant au monde : 100 m (sur 140 à l'origine) illustrant l'Apocalypse de saint Jean. Incontournable. Château d'Angers, 2 promenade du Bout-du-Monde, 49100 Angers. Visite à réserver sur le site. www.chateau-angers.fr

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